Inondations à Valence, cyclone à Mayotte, incendies à Los Angeles, ouragans en Asie, à Cuba ou aux États-Unis… L’année 2024 a été marquée par des catastrophes naturelles particulièrement dévastatrices. Derrière les images de chaos, un bilan humain et matériel toujours trop lourd. Des dégâts qui se chiffrent en millions, voire en milliards. Et un système assurantiel qui atteint ses limites.
L’insécurité climatique met le monde entier face à sa vulnérabilité. Comment s’adapter ? Peut-on encore protéger tout un chacun ? Faut-il repenser nos territoires ? Focus sur les enjeux de la sinistralité climatique.

Quand le risque climatique change d’échelle
L’aggravation des risques naturels provoquée par le réchauffement climatique constitue une réalité. Le monde n’a jamais enregistré autant d’événements climatiques extrêmes que ces dernières années. En 2024, le coût des événements naturels en France atteint 5 milliards d’euros pour les assureurs, faisant de cette année la 9e la plus coûteuse pour la profession(1). Ils sont non seulement plus fréquents, mais aussi bien plus intenses, et frappent de plus en plus durement les populations. Le bilan humain demeure lourd et les impacts directs sur les territoires habités colossaux. Y compris dans l’Hexagone, où la notion de réfugiés climatiques s’impose malheureusement comme une réalité. Les inondations successives qui ont touché les Hauts-de-France fin 2023 et début 2024 ont ainsi contraint des centaines de personnes à quitter leur logement.
Aujourd’hui, on estime que 62% des Français sont significativement exposés aux risques climatiques(2). Parfois même sans le savoir. Car au-delà des inondations, feux de forêt et autres tempêtes dévastatrices, d’autres phénomènes naturels beaucoup plus insidieux pourraient significativement peser dans la balance. En tête de liste ? Le fameux phénomène de Retrait-Gonflement des Argiles (RGA) provoqué par la sécheresse. Derrière cet inoffensif acronyme se cache un véritable cauchemar pour les propriétaires de plus de 10,4 millions de maisons individuelles(3), souvent démunis face à une habitation dangereusement fissurée, et au montant des travaux.
Car c’est bien ce dont il s’agit. La sinistralité climatique augmente, et elle a un coût. Considérable. À l’échelle mondiale, l’année 2024 se classe ainsi comme la troisième année la plus coûteuse pour les assurances depuis 1980, avec des dommages assurés s’élevant à 140 milliards de dollars(4). En France, la moyenne des coûts des sinistres climatiques a considérablement augmenté ces dernières années, pour atteindre 5 milliards d’euros en 2024 (la moyenne était autour de 3,7 milliards entre 2010 et 2019)(5).
Et si le secteur de l’assurance était à un tournant de son histoire ?

La sinistralité climatique ou l’urgence de repenser le modèle assurantiel
Si les coûts liés aux aléas naturels progressent, sans surprise, cela ne devrait pas évoluer dans le bon sens. Les projections montrent qu’ils continueront de croître, avec un doublement prévu tous les 30 ans(6) atteignant même – en cumulé – les 143 milliards d’euros d’ici 2050, soit une hausse de 93 % par rapport à la période 1989-2019. D’où l’urgence de repenser un modèle assurantiel qui suffoque tout autant que la planète. Car ces coûts ne pourront bientôt tout simplement plus être absorbés. Pire : les pertes massives et répétées des assureurs et réassureurs pourraient les contraindre à se désengager de certains marchés ou territoires, laissant des sinistrés sans couverture assurantielle : les « zones blanches de l’assurance ».
L’autre versant du problème réside dans l’augmentation des cotisations. Le (nécessaire) rééquilibrage du régime CatNat (abréviation de « catastrophe naturelle ») a par exemple fait passer la surprime prélevée sur les contrats d’habitation de 12 à 20 % depuis le 1er janvier 2025 (et de 6 à 9 % pour les contrats automobiles). Car pour indemniser, réparer et protéger davantage, il faut collecter davantage. Un calcul simple qui pose l’épineux problème de l’acceptabilité des primes. Si d’après la dernière édition de l’Observatoire de la Protection Aéma Groupe, 65 % des Français ne rejettent pas d’emblée une hausse du coût de l’assurance – pourvu qu’elle soit justifiée par des éléments concrets qui résonnent avec leurs propres préoccupations – tout le monde pourra-t-il – et voudra-t-il – encore s’assurer ? Une interrogation qui suffit à remettre en question les principes mêmes de l’assurabilité et de la mutualisation des risques. Des principes pourtant fondamentaux pour exprimer la dimension collective de la protection d’assurance : les sinistres de chacun sont couverts par les cotisations de tous, même des personnes non sinistrées. Bousculer ce mécanisme, c’est prendre le risque d’une France à deux vitesses. Adrien Couret, directeur général d’Aéma Groupe évoque même dans une tribune parue dans Les Échos « une bombe sociale en gestation ». À ce titre, les assureurs mutualistes jouent un rôle fondamental pour garantir un modèle solidaire, juste et soutenable pour assurer l’accessibilité financière de la protection.

Adapter les territoires et financer la prévention
Pour répondre aux enjeux climatiques, l’assurance a heureusement démarré sa transformation. Ainsi, parmi les 52 mesures du troisième plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC 3) proposé par le gouvernement, plusieurs concernent sa modernisation. Le but ? Maintenir la possibilité pour chacun de s’assurer contre les risques naturels.
On note ainsi :
– la création d’un Observatoire de l’assurance des catastrophes naturelles ;
– le renforcement du pouvoir du bureau central de tarification (BCT) permettant d’obliger une entreprise d’assurance à souscrire un contrat avec un assuré qu’elle a refusé de couvrir ;
– la création d’une plateforme de diffusion d’informations sur les solutions de financement ou de gestion de travaux de prévention.
Autre élément clé : le renforcement de 30 % du fonds Barnier(7), portant son budget à 300 millions d’euros. Un montant jugé encore insuffisant tant ce levier de prévention et de résilience est stratégique pour les territoires et les citoyens : 1€ investi par ce fonds réduirait de 8€ les dommages à indemniser(8). Car les défis de l’assurabilité soulèvent aussi de véritables enjeux politiques et sociaux, tels que l’habitabilité de nos territoires. Pour Adrien Couret, « la moitié du coût des sinistres climatiques vient du fait qu’on a mal construit ». En effet, après le choc du cyclone Chido à Mayotte : la problématique des bidonvilles. Derrière les inondations à Valence et dans les Hauts-de-France : le sujet de l’artificialisation des sols et des constructions en deçà du niveau de la mer… Ne serait-il pas temps de faire face à nos vulnérabilités ? Comment (re)construire ? Les territoires doivent pouvoir se prémunir contre des risques qui iront croissant et intégrer davantage l’adaptation dans leurs schémas locaux. Pour contrôler, diagnostiquer, anticiper, repositionner certains logements… mais aussi intégrer une véritable culture du risque naturel. Pour informer et alerter le grand public sur les dangers des aléas naturels, Macif a créé le podcast Aléas. Il s’attaque à ce sujet crucial afin d’éveiller les consciences face aux menaces des aléas naturels. S’il est à la fois acteur de premier plan et témoin privilégié, le secteur de l’assurance ne peut affronter seul les problématiques liées aux défis climatiques. Aéma Groupe plaide ainsi pour un réel partage du sort et une chaîne de responsabilité allant des assureurs aux collectivités, en passant par les réassureurs, les entreprises, les assurés ou encore les pouvoirs publics. En somme : un « nouveau contrat social » au sein duquel chacun doit prendre sa juste part.
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(1) D’après le bilan 2023 de France Assureurs
(2) D’après le ministère de la Transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
(3) D’après le ministère de l’aménagement du territoire et de la transition écologique
(4) Selon une étude publiée en janvier 2025 par Munich Re
(5) Selon France Assureurs, Cartographie prospective des risques de l’assurance, mars 2025
(6) Projections issues du document « Impact du changement climatique sur l’assurance » publié par France Assureurs
(7) Le fonds Barnier (ou fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) a été créé en 1995 pour soutenir les mesures de prévention ou de protection des personnes et des biens exposés aux risques naturels majeurs (pour financer les indemnités d’expropriation de biens exposés à un risque naturel majeur par exemple)
(8) D’après une étude de la Caisse centrale de réassurance – 2024