Les réfugiés climatiques en France : un défi humain et assurantiel

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22/04/2025

La transition climatique

Faut-il partir ou rester malgré tout ? Un dilemme auquel les réfugiés climatiques ont tous dû faire face. Car devoir quitter son foyer à cause du changement climatique ne relève plus du fantasme. C’est même devenu une réalité pour des milliers de Français. 

La relocalisation pose cependant la délicate question de l’acceptabilité sociale. Soulignant au passage la nécessité de muscler nos leviers de prévention et d’adaptation aux risques climatiques – tels que le fonds Barnier. En somme : un véritable défi humain et assurantiel.

Les réfugiés climatiques en France : le constat

On peut considérer comme « réfugiés climatiques », les personnes ayant dû quitter leur foyer – temporairement ou définitivement – en raison des conséquences du changement climatique, pour se déplacer vers d’autres régions ou d’autres pays. Inondations, mouvements de terrain, feux de forêt, avalanche… En France, plus de 60 % de la population est exposée de manière forte ou très forte aux risques climatiques (1). Un chiffre qui atteint même 81 % pour le Pas-de-Calais et 95 % pour le Nord (2)

Le risque numéro 1 ? Les inondations. Dans les Hauts-de-France, il concerne même 6 communes sur 10, soit 2,2 millions d’habitants. C’est d’ailleurs bien dans cette région que des milliers de personnes ont été forcés de quitter leur foyer durant l’hiver 2023-2024 à cause d’inondations destructrices. 

Mais ce phénomène de déplacement climatique ne date pas d’hier. Difficile d’oublier la tempête Xynthia qui a balayé la côte atlantique une nuit de février 2010. Au total : près de 50 morts et des communes devenues tout simplement inhabitables, obligeant leurs habitants à partir. Un véritable électrochoc qui amorça la nécessité de politiques d’adaptation. 

D’autant que les menaces ne surviennent pas toujours de manière soudaine(3). Elles peuvent aussi être de nature plus lente et progressive, aux impacts plus graduels, mais tout aussi problématiques. Par exemple, le phénomène de RGA(4), déclenché par la sécheresse, ainsi que l’érosion du littoral, illustrent bien cette réalité. Combinée à la montée du niveau de la mer, cette menace touche un grand nombre de communes françaises. Et ce processus ne fait que commencer. Dans le scénario le plus pessimiste en termes d’évolution de concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, à l’horizon 2100, l’élévation du niveau de la mer se situerait entre 61 et 110 cm. La Rochelle ne serait alors plus qu’un cap entouré d’eau(5). La Macif a d’ailleurs réalisé, via son magazine Vous! par Macif, une interview avec Éric Chaumillon, professeur spécialiste de la géologie marine et littorale, concernant ce risque de submersion.

La délicate question de la relocalisation

Alors, que faire face à l’avancée des risques climatiques ? Qu’il s’agisse d’événements extrêmes ou de menaces progressives, une solution s’impose : la relocalisation. Sur ce terrain, Saint-Pierre-et-Miquelon fait figure d’exemple. En 2022, les habitants ont pris une décision inédite : déplacer leur village… À 1,5 km de son emplacement actuel. Une décision lourde de sens, rendue possible grâce à une large consultation citoyenne ; 89 % se sont prononcés en faveur du déménagement(6). Pour Xénia Philippenko, chercheuse et docteure en géographie(7), « c’est finalement l’attachement des habitants à leur village qui a été moteur dans la décision de le relocaliser ». Soutenue par l’État (via le fonds Barnier) et accompagnée par une agence d’urbanisme, cette démarche constitue une première en France. Et probablement le début d’une longue série. Cependant, reproduire ce modèle s’avère complexe.

Convaincre des habitants de quitter leur foyer s’avère ardu, surtout avant la survenue du sinistre. Question d’acceptabilité sociale. L’attachement est multiple : souvenirs, projets, terre familiale. Certains restent coûte que coûte, réclamant des protections plus efficaces comme des digues ou des enrochements. Pour d’autres, l’idée de départ finit par s’imposer, après d’épuisants bras de fer financiers. Car la réinstallation implique nécessairement une indemnisation. C’est là précisément qu’intervient le fonds Barnier(8), outil capital à la relocalisation. Et plus globalement, un véritable levier stratégique de prévention et de résilience pour les territoires et les citoyens. Au cœur du PNACC 3(9), ce fonds a ainsi vu son budget augmenter de 30 %, pour atteindre désormais 300 millions d’euros. Une enveloppe que beaucoup d’acteurs du secteur de l’assurance jugent encore insuffisante. Et ce ne sont pas les dernières estimations du Cerema (10) qui leur donneront tort. À l’horizon 2028 à l’échelle nationale, environ 1 000 bâtiments pourraient être touchés par le recul du trait de côte. En Vendée, en Charente-Maritime, ou encore dans les Alpes-Maritimes, des procédures de rachat sont d’ores et déjà en cours.

La nécessaire adaptation du modèle assurantiel et des territoires

La relocalisation découle du changement climatique. Plus largement, les dégâts qu’il provoque sur les logements, les infrastructures et les sols se révèlent considérables. Leur coût a explosé ces dernières années et pourrait même croître de l’ordre de 50 % à l’horizon 2050(11). Cette sinistralité climatique a littéralement redessiné le paysage assurantiel, l’assurabilité des risques étant remise en question. 

La place française présente des résultats techniques déficitaires sur les assurances du quotidien depuis plusieurs années. Résultat : les primes augmentent. Une situation intenable dans le temps qui fait planer le risque non seulement d’un désengagement des assureurs sur certains territoires – les « zones blanches de l’assurance », mais aussi celui de l’inaccessibilité de l’assurance pour les plus modestes. Car au-delà du défi de l’assurabilité des risques, il y a des enjeux politiques et sociaux beaucoup plus lourds tels que l’habitabilité des territoires face au changement climatique. Et en ce sens, l’adaptation reste fondamentale. Ou comment passer d’une logique de réparation à une logique d’anticipation. Et se poser la question de la (re)construction. À ce titre, le rééquilibrage du régime CatNat (12), ainsi que les moyens majorés du fonds Barnier constituent une bonne nouvelle. Le but ? Soutenir et accompagner l’adaptation des territoires. La France s’apprête également à lancer un Observatoire de l’assurabilité pour lutter contre la démutualisation. Car protéger le principe de mutualisation, c’est maintenir un modèle de protection solidaire, juste et soutenable. Face à ces différents constats, Aéma Groupe plaide pour un nouveau contrat social. Un meilleur partage du sort, avec une chaîne de responsabilité partant de l’assuré, en passant par les assureurs et les réassureurs allant jusqu’aux pouvoirs publics. Pour Adrien Couret, directeur général d’Aéma Groupe, « le débat public doit s’emparer des mutations du secteur de l’assurance ». Un débat au cœur duquel il sera peut-être un jour question des réfugiés climatiques justement. Certains pays se sont d’ailleurs d’ores et déjà adaptés ; à l’image de l’Australie et les Tuvalu qui signaient en 2024 un traité inédit, ouvrant la voie à l’accueil potentiel des 11 000 habitants de ce petit État du Pacifique, menacé de submersion. L’Australie offre désormais aux citoyens tuvaluans le droit de s’installer sur son territoire. Une première mondiale, qui soulève des questions fondamentales sur la reconnaissance et la prise en charge des réfugiés climatiques. Et cela ne fait que commencer : d’ici 2025, le nombre de migrants climatiques intérieurs potentiels pourrait atteindre 260 millions dans le monde(13).


(1) Hors vague de chaleur, d’après le rapport de Réseau Action Climat France « La France face au changement climatique : toutes les régions impactées »
(2) D’après le rapport de Réseau Action Climat France «
La France face au changement climatique : toutes les régions impactées »
(3) Les cyclones, tempêtes et inondations font partie des menaces soudaines
(4) Retrait – gonflement des argiles
(5) Selon des rapports réguliers du GIEC et simulations de Surging Seas
(6) Un questionnaire a été mené auprès de la moitié des habitants. 89 % des personnes ont voté en faveur du déplacement du village
(7) Xenia Philippenko est lauréate du prix 2023 du Bureau de Recherches Géologiques et Minières pour ses travaux sur Saint-Pierre-et-Miquelon
(8) Le fonds Barnier a été créé en 1995 pour financer les initiatives de prévention des risques naturels. Il est alimenté par un pourcentage de la surprime CatNat
(9) PNACC 3 = le troisième Plan National d’adaptation au changement climatique
(10) Le Cerema est le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement
(11) Sources : economie.gouv.fr avril 2024
(12) Depuis le 1er janvier 2025, la surprime CatNat prélevée sur les contrats d’assurance habitation et automobile est passée de 12 % à 20 % sur les contrats habitation et de 6 % à 9 % pour l’automobile, renforçant ainsi le financement du régime
(13) D’après la Banque Mondiale

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