2024 fut la toute première année à franchir la barre symbolique des +1,5°C par rapport à la période préindustrielle(1), confirmant – comme s’il fallait encore une preuve – la réalité du réchauffement climatique. Tout comme l’amplification des catastrophes naturelles et leurs impacts sur les hommes et leurs territoires. Un constat sans appel qui doit encourager les efforts en matière de transition écologique. Des efforts, certes indispensables, mais qui ne suffisent malheureusement plus. Il devient urgent désormais de s’adapter et de vivre avec les conséquences du dérèglement climatique. Ou comment combiner atténuation et adaptation : deux notions complémentaires et interdépendantes.

Atténuation et adaptation au changement climatique : l’indispensable combinaison
Les dernières prévisions de l’ONU indiquent qu’en conservant les politiques climats actuelles, le monde se dirige vers un scénario à +3,1°C à l’horizon 2100 par rapport aux niveaux préindustriels(2). Une probabilité qui interroge nos moyens d’action. Car ils existent.
Connaissances scientifiques, technologies, moyens financiers… Nous disposons d’outils pour limiter le réchauffement climatique : c’est le principe d’atténuation. Recycler les déchets, isoler les logements, utiliser des énergies renouvelables, etc. représentent autant de moyens individuels et collectifs indispensables à la réduction des gaz à effet de serre et à la protection des écosystèmes. Mais la violence et la fréquence des catastrophes naturelles pointent les limites de la transition écologique.
S’il est capital de continuer à freiner les causes du réchauffement climatique, il devient indispensable d’en traiter les conséquences. C’est le principe de la résilience climatique. On parle aussi de politiques d’adaptation. L’objectif ? Limiter les impacts du changement climatique et les dommages associés sur la population, les activités socio-économiques et la nature. Végétalisation des villes, adaptation des réseaux de transports aux intempéries, relocalisation des logements menacés par l’érosion du littoral… Les territoires doivent s’adapter aux aléas climatiques pour se protéger. Et cette transition implique des investissements significatifs. Le GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) estime par exemple que les besoins financiers de l’adaptation pourraient atteindre 127 milliards de dollars en 2030, et près de 300 milliards en 2050(3). Des montants colossaux qui invitent à la réflexion sur la nécessité d’une vision globalisée, voire d’une coopération internationale. D’autant plus qu’importe où ils aient lieu, les événements extrêmes peuvent avoir un impact sur le reste de la planète.
Une réalité qui n’échappe pas aux citoyens. En France, la dernière édition de l’Observatoire de la Protection nous révèle que près de 2 Français sur 3 se sentent aujourd’hui davantage exposés aux risques climatiques. Une part qui atteint même 69 % chez les moins de 35 ans, plus sensibles aux enjeux climatiques que leurs aînés.

Politiques d’adaptation : comment les territoires peuvent-ils agir ?
Si le changement climatique et ses conséquences représentent un enjeu à chaque échelle, l’adaptation locale reste la clé. Les collectivités, bien qu’elles ne puissent agir seules, disposent de leviers pour anticiper les impacts économiques, environnementaux et sociaux. Par l’exercice de leur compétence, communes, départements et régions peuvent ainsi porter des exigences fortes en matière d’adaptation. Et l’intégrer aux outils de planification territoriale (les fameux schémas locaux), c’est optimiser les chances d’aboutir à des résultats concrets. Par exemple, à travers son Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT), le Grand Narbonne a initié une démarche pionnière de désimperméabilisation des sols. De son côté, Nîmes Métropole agit contre les îlots de chaleur urbains grâce à son Plan Climat-Air-Énergie Territorial (PCAET).
Actions « sans-regret »(4), évaluation du risque de mal-adaptation(5), mobilisation de budgets spécifiques ou de moyens humains dédiés… En filigrane de toutes ces mesures : comment (re)construire ? Car une fois le chaos semé par les catastrophes naturelles passées, c’est l’action de l’Homme qui pose souvent question. Artificialisation des sols, étalements urbains, construction en deçà du niveau de la mer… Adrien Couret, directeur général d’Aéma Groupe, est formel : « 50 % du coût des sinistres climatiques vient du fait qu’on a mal construit ». Et les conséquences peuvent être dramatiques, comme dans les Hauts-de-France où les inondations historiques en 2023 et 2024 ont poussé des milliers de personnes à quitter leur logement – en faisant les premiers déplacés climatiques.
Il faut diagnostiquer davantage, sensibiliser, repenser le bâti, voire relocaliser certains logements et infrastructures. Et chacun doit prendre sa part aux côtés des territoires : acteurs de l’agriculture, de l’industrie, entreprises, mais aussi assurés, pouvoirs publics, assureurs et réassureurs. Qu’elles soient vertes (fondées sur la nature), grises (mobilisant l’ingénierie lourde) ou douces (financières ou politiques), les politiques d’adaptation doivent mobiliser toute la société.

Transition écologique et adaptation : le rôle des assureurs
Le risque climatique est systémique et challenge l’ensemble de l’organisation du territoire et des politiques publiques. Mais l’augmentation des risques et du nombre de sinistrés pèse indéniablement sur les acteurs qui gèrent et indemnisent les catastrophes naturelles. À ce titre, le secteur de l’assurance se trouve à un moment charnière de son histoire. Témoins, mais aussi acteurs d’un monde qui change, les assureurs mutualistes assurent un rôle fondamental dans la garantie d’un modèle solidaire, juste et soutenable. L’objectif ? Préserver le principe de mutualisation pour éviter une crise de l’assurabilité et le risque d’une France à deux vitesses.
Le rééquilibrage du régime français d’indemnisation des catastrophes naturelles (CatNat) – qui a démontré son efficacité – constitue en ce sens une bonne nouvelle. Mais au-delà de leur rôle historique dans le domaine de la réparation, les assureurs peuvent aussi peser en tant qu’investisseurs. Car réparer revient aussi à investir pour bâtir la France de demain. La gestion d’actifs représente donc un levier stratégique pour la transition écologique. Au sein d’Aéma Groupe, Ofi Invest dispose par exemple de 10 % de l’épargne des Français et souhaite la flécher dans le bon sens. Ofi invest sélectionne et accompagne ainsi les entreprises engagées dans la transformation climatique. But du jeu ? Favoriser le développement d’une économie vertueuse via des investissements à impact positif.
Les assureurs s’impliquent enfin de plus en plus en matière de prévention : un volet phare du rapport Langreney sur l’assurabilité des risques climatiques (6). Le fonds Barnier – permettant de financer l’adaptation, la prévention et la protection des populations touchées par les catastrophes naturelles – doit devenir un levier stratégique de résilience pour les territoires et les citoyens. Mais les assureurs peuvent aussi impulser une culture collective de la prévention. En prenant la parole, en osant pointer des situations anormales ou en contribuant à des consultations telles que celle pour le PNACC 3(7), Aéma Groupe soulève par exemple la nécessité d’initier un débat public sur la solidarité nationale et les priorités de financement face aux catastrophes. Pour Adrien Couret, « il est temps de définir collectivement comment nous voulons être protégés, il faut inventer un nouveau contrat social ».
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(1) D’après l’Organisation météorologique mondiale (OMM)
(2) D’après le dernier rapport (octobre 2024) de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CNUCC)
(3) D’après le 2ème volet du rapport de 2022 du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat)
(4) Les actions dites « sans-regret » sont des actions qui présentent des bénéfices pour la population, quel que soit le scénario climatique futur. Végétaliser une ville pour éviter qu’elle ne surchauffe améliora quoi qu’il en soit le bien-être de la population
(5) La mal-adaptation est un changement opéré qui augmente la vulnérabilité au lieu de la réduire (investir dans des climatisations au lieu d’agir sur l’isolation, planter des arbres à rotation longue, ne pas rehausser suffisamment des digues de protection, etc.)
(6) Le rapport Langreney sur l’assurabilité climatique est un document qui élabore des recommandations pour adapter le système assurantiel français face à des risques climatiques à la hausse sur le territoire
(7) PNACC 3 = 3ème Plan National d’Adaptation au Changement Climatique