La résilience climatique : s’adapter pour une meilleure prévention des risques naturels
Inondation, feux de forêt, sécheresse… autrefois plus rares, les aléas naturels sont-ils en train de devenir la norme ? Largement accentués par le réchauffement climatique, ils sont de plus en plus fréquents et intenses dans l’hexagone. Conséquence : des bilans chaque fois trop lourds. Car le coût des dommages liés au climat augmente inexorablement. Il pourrait même croître de l’ordre de 50 % à l’horizon 2050(1). Face à ce constat, une évidence : il faut s’adapter. Et adapter le modèle assurantiel pour répondre à ces grandes transitions. Focus sur la résilience climatique.

Changement climatique : quand l’assurance devient un sujet politique et social majeur
L’année 2023 fut la plus chaude jamais enregistrée(2). Quant à 2024, elle figure déjà dans le top 5 des années les plus humides depuis 40 ans(3). Inondations, fonte des glaces, concentration des gaz à effet de serre, augmentation de la température à la surface des océans… l’Humanité bat chaque année ses propres records. Et d’après le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), les effets du changement climatique intensifient certains aléas naturels, soulevant au passage la délicate question de l’habitabilité des régions. Car en France, elles sont aujourd’hui toutes impactées (4). Mégafeux en Gironde, inondations records dans les Hauts-de-France – responsables des tous premiers « déplacés climatiques » du Pas-de-Calais – secteur agricole à sec en Occitanie, en Centre-Val de Loire, ou encore en Bourgogne-Franche-Comté… Les catastrophes naturelles occasionnent des dégâts bien réels sur les logements, les infrastructures et les sols. Avec des conséquences humaines, mais aussi économiques.
Le phénomène de retrait-gonflement des argiles et la sécheresse susnommée sont aussi des parfaits exemples du défi immense des assureurs : l’augmentation significative de la sinistralité due aux aléas naturels.
- Le Centre d’Études et d’Expertise sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement (CEREMA) estime que 10 millions de maisons sont menacées en France.
- Selon France Assureurs, la charge moyenne annuelle des dégâts liés à la sécheresse indemnisés entre 2020 et 2050 devrait atteindre un total de 43 milliards d’euros.
Pour Bertrand Delignon, Directeur IARD de Macif, « l’assurabilité de la sécheresse est un enjeu sociétal majeur qui doit être envisagé de manière commune et comme une cause nationale. » Car c’est bien de cela dont il est question : d’assurabilité. Et elle dépasse largement le thème de la sécheresse. En 2023, le coût des catastrophes naturelles a dépassé 100 milliards de dollars dans le monde pour la quatrième année consécutive. D’où le besoin impérieux d’adapter un système assurantiel qui peine de plus en plus à répondre aux besoins croissants des Français. Pour le monde de l’assurance, c’est un challenge, non seulement en matière d’évaluation des risques, mais aussi de gestion des sinistres. Un challenge de soutenabilité économique qui doit être partagé. Assureurs et réassureurs, mais aussi entreprises, collectivités, associations, constructeurs, assurés, pouvoirs publics… chacun doit prendre sa part pour faire évoluer le modèle assurantiel afin de garantir un accès à la protection de tous et sur l’ensemble du territoire. Un changement qui implique la construction de réponses collectives, comme le souligne Adrien Couret, Directeur Général d’Aéma Groupe qui appelle à construire ces réponses : « Face à cette évolution systémique, il devient nécessaire de réinventer le modèle économique de l’assurance, pas comme le seul sujet des assureurs, mais sous la forme d’un nouveau partage de sort au sein d’une chaîne de responsabilités qui part de l’assuré, en passant par les assureurs et les réassureurs, en allant jusqu’aux pouvoirs publics. »
Le rapport Langreney ou un début de réponses face aux enjeux climatiques
Dans un contexte d’insécurité climatique doublé d’une véritable crise de la protection, il est urgent d’agir. Adrien Couret évoque même ici « une bombe sociale en gestation. » En cause ? « La hausse incontournable des tarifs de l’assurance [qui] posera rapidement la question de son acceptabilité sociale. À ce titre, le rapport Langreney « constitue une base inédite de discussion » : 37 propositions pour bâtir le système assurantiel de demain. Un système protecteur, accessible et mutualisé, adapté aux risques climatiques croissants sur le territoire français. En ligne de mire du rapport : la soutenabilité du régime « CatNat ». Spécificité française, ce régime de protection contre les catastrophes naturelles est fondé sur la solidarité nationale. Il permet depuis 1982 – avec succès – l’indemnisation des particuliers, entreprises et collectivités en cas de situation déclarée « catastrophe naturelle » et dispose d’un volet prévention via le fonds Barnier(5).
Oui, mais voilà. La planète surchauffe, et le régime « CatNat » aussi. Son rééquilibrage financier est donc un élément clé du rapport et avec lui, la question de la répartition des responsabilités. Ou comment établir un vrai « partage du sort » sans désengagement d’aucune des parties prenantes. Et ce n’est pas tout. Garantir l’assurabilité de tous, partout, même dans les zones les plus risquées, cela passe aussi par une plus grande prévention. C’est le second axe du rapport : le rôle du système assurantiel dans la prévention et l’adaptation au changement climatique – une mission clé que Adrien Couret définit comme « accompagner les particuliers et les entreprises pour être plus intelligents dans leur façon d’anticiper les effets du changement climatique ». Création de fonds spécifiques, déploiement de prêts à taux nul pour investir dans la résilience du bâti, cartographie des zones les plus à risques lancée par la Caisse centrale de réassurance, »(6) etc. sont autant de pistes avancées dans le rapport Langreney pour renforcer la prévention individuelle et collective face aux aléas climatiques.

La résilience climatique ou le temps de l’action pour faire face au changement climatique
L’adaptation du système assurantiel pour protéger chaque habitant Français, peu importe son lieu de vie, est indispensable. Mais la résilience climatique, c’est aussi et surtout une histoire de prévention, dans laquelle toutes les parties prenantes doivent être impliquées.
Et la France est l’un des pays les plus avancés dans cette stratégie d’adaptation, notamment avec la publication du PNACC – Plan National d’Adaptation au Changement Climatique, publié pour la première fois en 2011 et revu en 2018. Son objectif ? Mieux protéger les citoyens face aux événements climatiques extrêmes, mais aussi construire la résilience des principaux secteurs de l’économie face aux changements climatiques. S’ajoute à cela la plateforme géorisques lancée par le gouvernement pour répertorier les risques naturels et technologiques sur le territoire français.
Connaître les aléas et les risques, informer les citoyens, maîtriser l’urbanisation ou encore privilégier des solutions fondées sur la nature… le Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique dresse quant à lui les grands principes de prévention des risques naturels. Et propose aussi des leviers d’action très concrets. Ainsi, l’adaptation du bâti et la maîtrise de l’urbanisation dans les zones à risque s’imposent de plus en plus comme des mesures préventives indispensables.
Autres principaux acteurs, et non des moindres : les entreprises innovantes. Car les aléas climatiques sont de réels moteurs en matière d’innovation. Pour lutter contre les inondations, la start-up FloodFrame a par exemple mis au point une barrière anti-inondation – sorte d’airbag – adaptable à tous types de constructions en zone à risque.
Développer une culture de la prévention passe aussi par l’éducation des citoyens sur ce nouveau type de risques : c’est une autre mission des assureurs. Car s’ils sont en première ligne pour accompagner les sinistrés, ils ont également un rôle capital à jouer en matière de prévention. À l’image de la Macif et son jeu Alerte Météo pour prévenir les risques climatiques et savoir y faire face. Selon une récente étude de l’Observatoire de la Protection Aéma Groupe(7), la crainte du changement climatique est citée par les Français juste après celle de la perte du pouvoir d’achat. Pour Pascal Michard, Président d’Aéma Groupe, « cette inquiétude crée de nouvelles attentes en matière d’engagement et de responsabilité (…) il est urgent d’apporter des réponses inclusives, systémiques et collectives qui conjuguent efficacement performances économiques, sociales et environnementales. ». Un constat qui révèle d’autant plus la pertinence et la force du modèle mutualiste. En préservant le principe clé de l’assurance, celui de la mutualisation, il garantit une protection accessible et pérenne dans le temps, à tous.
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(1) Source : economie.gouv.fr (avril 2024)
(2) Selon l’Observatoire Copernicus, l’année 2023 fut la plus chaude jamais enregistrée, avec une moyenne des températures établie à 14,98°C à l’échelle globale
(3) https://actualite.lachainemeteo.com/actualite-meteo/2024-10-18/vers-une-annee-et-un-automne-records-pourquoi-a-t-on-autant-de-pluie-cette-annee-72781
(4) Le Réseau Action Climat, en partenariat avec l’ADEME, publie un rapport présentant un panorama des impacts du changement climatique dans toutes les régions de France.
(5) Le nom officiel est le Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs (FPRNM) mais il peut être plus communément appelé fonds Barnier
(6) Systématiser les clauses « vertes » en matière d’indemnisation, cela signifie par exemple – en assurance multirisques des particuliers et des entreprises – favoriser la réparation plutôt que le remplacement des équipements, augmenter l’indemnisation pour inclure la mise en conformité aux meilleures normes d’efficacité énergétique et en développant des filières de réemploi des matériaux de construction.
(7) Observatoire de la Protection IFOP pour Aéma Groupe. Le changement climatique est le deuxième phénomène qui préoccupe le plus les Français (28 %).